dimanche 23 janvier 2011

Le génocide Arménien n'a pas de nom.


Le samedi 24 avril 1915, à Istamboul, capitale de l'empire ottoman, 600 notables arméniens sont assassinés sur ordre du gouvernement. C'est le début d'un génocide, le premier du XXe siècle. Il va faire environ 1,2 million de victimes dans la population arménienne de l'empire turc.

Les estimations du nombre d'Arméniens morts entre 1914 et 1923 durant le génocide arménien et la guerre d'indépendance turque sont sujets à controverse. Les estimations pour la période allant de 1915 à 1917 ou 1918 varient entre 800 000 morts — nombre avancé par les statistiques ottomanes officielles — et 1,2 million de morts, chiffre le plus souvent retenu par les historiens occidentaux. D'autres auteurs et l'État arménien se basent sur les rapports des ambassadeurs allemands présents lors des événements, et estiment que le nombre de morts est d'1,5 million. Cet article étudie les différentes estimations des pertes arméniennes lors des massacres génocidaires commis dans les dernières années de l'Empire ottoman.

Dans les années qui précèdent la Grande Guerre, la décadence de l'empire ottoman s'accélère après une tentative de modernisation par le haut dans la période du Tanzimat, entre 1839 et 1876. Le sultan Abdul-Hamid II n'hésite pas à attiser sans vergogne les haines religieuses pour consolider son pouvoir (les derniers tsars de Russie font de même dans leur empire).

Entre 1894 et 1896, comme les Arméniens réclament des réformes et une modernisation des institutions, le sultan en fait massacrer 200.000 à 250.000 avec le concours diligent des montagnards kurdes.

Un million d'Arméniens sont dépouillés de leurs biens et quelques milliers convertis de force. Des centaines d'églises sont brûlées ou transformées en mosquées... Rien qu'en juin 1896, dans la région de Van, au coeur de l'Arménie historique, pas moins de 350 villages sont rayés de la carte.

Ces massacres planifiés ont un avant-goût de génocide. L'Américain George Hepworth enquêtant sur les lieux deux ans après les faits, écrit : «Pendant mes déplacements en Arménie, j'ai été de jour en jour plus profondément convaincu que l'avenir des Arméniens est excessivement sombre. Il se peut que la main des Turcs soit retenue dans la crainte de l'Europe mais je suis sûr que leur objectif est l'extermination et qu'ils poursuivront cet objectif jusqu'au bout si l'occasion s'en présente. Ils sont déjà tout près de l'avoir atteint».

Les Occidentaux se contentent de plates protestations mais le crime ne profite guère au sultan. Celui-ci tente de jouer la carte de chef spirituel de tous les musulmans en sa qualité de calife. Il fait construire le chemin de fer du Hedjaz pour faciliter les pèlerinages à La Mecque. Il se rapproche aussi de l'Allemagne de Guillaume II. Mais il est déposé en 1909 par le mouvement nationaliste des «Jeunes-Turcs» qui lui reprochent de livrer l'empire aux appétits étrangers et de montrer trop de complaisance pour les Arabes.

Les «Jeunes-Turcs» veulent se démarquer des «Vieux-Turcs» qui, au début du XIXe siècle, s'opposèrent à la modernisation de l'empire.

Ils installent au pouvoir un Comité Union et Progrès (CUP, en turc Ittihad) dirigé par Enver pacha (27 ans), sous l'égide d'un nouveau sultan, Mohamed V.


Ils donnent au pays une Constitution... ainsi qu'une devise empruntée à la France: «Liberté, Égalité, Fraternité».

Ils laissent espérer un sort meilleur aux minorités de l'empire, sur des bases laïques. Mais leur idéologie emprunte au nationalisme le plus étroit.

Confrontés à un lent démembrement de l'empire multinational et à sa transformation en puissance asiatique (l'empire ne possède plus en Europe que la région d'Istamboul), ils se font les champions du «touranisme». Cette idéologie prône l'union de tous les peuples de langue turque ou assimilée, de la mer Égée aux confins de la Chine (Anatolie, Azerbaïdjan, Kazakhstan, etc).

Dès 1909, soucieux de créer une nation turque racialement homogène, les Jeunes-Turcs multiplient les exactions contre les Arméniens d'Asie mineure. On compte ainsi 20.000 à 30.000 morts à Adana le 1er avril 1909...

Les Jeunes-Turcs lancent des campagnes de boycott des commerces tenus par des Grecs, des Juifs ou des Arméniens. Ils réécrivent l'Histoire en occultant la période ottomane, trop peu turque à leur goût, et en rattachant la race turque aux Mongols de Gengis Khan, aux Huns d'Attila, voire aux Hittites de la haute Antiquité. Ce nationalisme outrancier ne les empêche pas de perdre les deux guerres balkaniques de 1912 et 1913.



En sept mois, 6000 000 Arméniens seront massacrés et 5000 000 déportés à marche forcée vers le sud, à travers le Taurus, vers la Mésopotamie ; 400 000 d’entre eux en mourront.


Au total, on estime à plus d’un million le nombre de morts, sans compter les quelques 20 000 convertis de force à l’islam.

Pour les Arméniens, ces massacres sont ce que l’holocauste est aux juifs. En 1939, Hitler demanda à ses généraux :  "qui se souvient des Arméniens aujourd’hui ?"

Comme l’écrivit le poète arméniens Isahakian :  "Il n’y a pas de mots dans le dictionnaire pour décrire ces atrocités hideuses."

Tout peut être résumé dans cette confidence de Talaat Pacha (ministre de l'intérieur) : "j'ai accompli plus pour la résolution du problème arménien en trois mois qu'Abdul Hamid ne l'a accompli en trente ans!"

Petit rappel :

La présence des Arméniens sur un territoire situé au sud du Caucase et de la mer Noire et à l'est du plateau anatolien remonte au VII ème siècle avant J.C. Ces hauts plateaux au climat rude mais aux terres fertiles constituent un enjeu constant entre les empires perse, grec, romain et arabe qui se succèdent.

L'Arménie est tantôt un royaume indépendant,tantôt une province vassale.

- Entre le IVème et le VIIème siècle l'identité arménienne s'affirme puisque les Arméniens se dotent d'une religion, le christianisme; une langue, l'arménien et un particularisme religieux, le monophysisme.

- Au XIe siècle l'arrivée des turcs seldjoukides ruine le pays et contraint le peuple arménien à se réfugier en Cilicie, au sud-est de l'Anatolie.

- Au XVIème siècle les Turcs ottomans occupent la partie occidentale de l'Arménie tandis que l'est du pays reste aux mains des Perses séfévides.

Dans l'empire ottoman les Arméniens sont soumis à la loi coranique, la charia et sont à ce titre des " protégés " ou dhimmis : ils disposent de libertés religieuses et communautaires mais les droits fondamentaux d'exister et de posséder des biens ont un prix : payer de lourds impôts. Les Arméniens sont des citoyens de second ordre.

-Au XIXe siècle alors que l'empire ottoman menacé de déliquescence éveille les appétits des puissances européennes, se développe le nationalisme arménien. Les Arméniens demandent des réformes dans l'Empire et appellent les Européens à soutenir leur cause. La réponse du sultan Abdul Hamid ne se fait pas attendre : en 1895 et 1896 plus de 100 000 Arméniens sont massacrés.

A nouveau en avril 1909, peu après l'arrivée des jeunes turcs au pouvoir, alors que l'empire connaît des troubles politiques, des massacres, en Cilicie, sont perpétrés.






3 commentaires:

Anonyme a dit…

J'ai partagé votre commentaire précis, concis et surtout vrai !!!

Dans un monde où règnerait l'harmonie a dit…

moi aussi

Anonyme a dit…

article parfaitement documenté
la vérité triomphera , car un crime contre l'humanité ne peut rester impuni du fait de la l'attitude de compromission des grandes puissances